« Allo à l’eau…. » récit d’un cauchemar qui n’arrive pas qu’aux autres

Après un mois aux Marquises (la deuxième partie est en cours de rédaction) nous décidons de profiter d’une belle fenêtre météo pour partir

jeudi 28 juin aidés dans la manœuvre par Faka, direction les Tuamotu.

Après le dej, nous alternons les périodes de sieste (sous écran pour certains) en prévision des quarts de nuit.

 

Restant tranquillement avec les garçons à la barre, nous sommes soudain sortis de notre douce quiétude par le Capitaine hurlant d’affaler la grand voile et enrouler le génois, un hublot de notre cabine étant « parti ».

Nous avons du mal à capter immédiatement l’urgence mais le ton du Capitaine nous laisse baba, pas habitués , ça ne sent pas bon .

Dans la cabine, nous avons trois hublots, un petit latéral qui s’ouvre , un plus grand pour la lumière et enfin sur le côté, nous avons un hublot de secours, qui permet aux membres d’équipage de se carapater en cas de retournement… il est à 10cm au dessus de la ligne de flottaison et mesure 40 cms par 40 cms… guess What? C’est celui là qui vomit des dizaines voire des centaines de litres à chaque vague, soit une toutes les 5 secondes…vision la plus cauchemardesque de mon existence, mais là pas le temps de trop réfléchir, on doit colmater au plus vite .

 

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Le Capitaine prend un panneau de parquet , et s’y cramponne pour empêcher l’eau d’entrer… si le tonneau des danaïdes vous dit quelque chose … on y est .

On sort la perceuse et commence un long moment de cloutage et vissage de tous les panneaux en bois , planche de Mooree, pare-battages et autres que nous trouvons.

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La pompe de cale est à son maximum , malheureusement elle n’arrive pas à évacuer aussi rapidement que l’eau ne s’engouffre.

La réparation tient. On commence en début de soirée à voir la situation se stabiliser, nous contactons notre assureur pour avoir son avis.

Nous écopons pendant ce temps, la cabine a été complètement noyée, on baigne dans notre jus. Tout ce qui est dans la cabine est inondé , le parc batterie et tout ce qui va bien est sous l’eau.

Vers 22 h, la situation empire, la pompe de cale…cale et le panneau explose sous la pression des vagues. À partir de maintenant, il y aura toujours l’un de nous qui le soutiendra comme il pourra pendant que l’autre ecope, écope…nous lançons l’alerte au cross et à l’assurance qui joue le rôle d’intermédiaire. Nous émettons notre premier Pan Pan à la VHF… qui sonne dans le vide. L’assurance nous envoie un message pour nous rassurer , les catamarans sont « quasi »insubmersibles… euh, comme le Titanic au « quasi » près?!

Nous vidons seau sur seau, les enfants n’arrêtent pas d’écoper , nous arrêtons un maximum le bateau pour éviter que les vagues ne s’engouffrent trop.

Le sermon de dimanche dernier se rappelle à nous, « n’ayez pas peur » disait le diacre, « même sous la tempête… » bon, ben là c’est tout de suite plus parlant mais pas facile à tenir! « Si le vent souffle fort, si la mer se déchaîne .. »

Un avion décolle de Tahiti, il sera dans 5 heures à nos côtés , un navire est affrété de Faku Iva, il est prévu pour le petit matin.

Nous sommes rassurés bien qu’inquiets par la situation, la nuit passe.

En attendant, nous préparons comme demandé par le cross nos sacs de survie (enfin ce sont les enfants qui les préparent, nous ne pouvons pas faire grand chose étant chacun à son poste) et enfilent leurs gilets. Ils bourrent les sacs avec nos papiers, nos appareils et … des paquets de biscuits … le bon sens ne les abandonne pas, ils se préparent même à embarquer le drone! Bizarrement tout ce qui concerne le CNED passe bien après !

Vers 3 heures du matin, appel VHF de l’avion, il est à 10 000 mètres au dessus de nous, prêt à larguer un canot de survie … ouf nous nous sentons moins seuls. L’avion assure la coordination avec le navire affrété pendant les 3 heures qui suivront et repartira faute de kérosène au petit matin, une fois la liaison VHF établie avec le bateau secours . Merci pour tout !

Au petit matin le navire Te Ata O Hiva arrive, il est très impressionnant, je n’ai qu’une peur , qu’il s’empale dans le notre, la houle est très forte. Je commence à comprendre pourquoi il faut à tout prix rester un maximum sur son bateau, le transfert des hommes d’un bateau à l’autre semble cauchemardesque.

Le bateau envoie une annexe et un mécanicien pour faire le point. Ils ont, ouf, une station de pompage, cependant il faut rallonger les tuyaux et bricoler la machine.

Les hommes repartent préparer le matériel et reviennent avec la machine, celle ci est très grosse, compliquée à hisser sur notre bateau dans ces conditions. Leur annexe s’empale sur la jupe arrière . Le mécanicien , Gabriel , reste à bord et installe la station de pompage.

Nous sommes émus et touchés par ces hommes venus à notre secours en train de risquer leur vie pour la notre. On se sent vraiment redevables vis à vis d’eux qui viennent de passer la nuit pour nous rechercher après avoir travaillé toute la journée . Ils sont tous en fin de mission et n’attendaient qu’une chose, le retour à Tahiti après 3 mois sans voir leur famille et là, ils se retrouvent sans eau ni nourriture à nous accompagner pendant 36 heures.

Nous nous relayons toujours, à l’intérieur l’odeur de la pompe de cale est insupportable , notre mécano qui a beau travailler à longueur de journée sur un bateau, renvoie ce qu’il peut renvoyer, même le Capitaine est nauséeux entre les odeurs du moteur et le confinement

Nous décidons de repartir vers Hiva Oa où se trouve un chantier.

Nous sommes obligés d’avancer entre 1,5 et 2,5 nds…en gros en escargot qui aurait trop bu puisque notre moteur bâbord compense difficilement, nous sommes parfois obligés de virer pour retrouver un cap. Avec notre unique moteur et les cales pleines, le bateau à bcp de mal à tenir le cap, à ce rythme, nous en avons pour trois à cinq jours et encore nous sommes obligés de barrer nous même , le pilote automatique n’arrivant pas à garder le cap.

Au bout de qq heures, nous réalisons que l’arrivee sur Hiva Oa prendra trop de temps nous n’arrivons pas à garder le cap, décision est prise de viser Ua Pou, plus proche .

Nous en informons Ti Piero, le fameux Piero rencontré quelques jours avant qui préviendra toutes les personnes susceptibles de nous aider et Fakarever partira rejoindre de nuit la baie visée histoire de nous aider à accoster sereinement . On se sent soutenus, c’est réconfortant.

Les dernières heures sont très éprouvantes, nous essayons de dormir par tranches de 5 minutes, nous alternons les postes. Celui qui maintient le panneau prend cher à chaque vague, nous sortons trempés et nous retrouvons à grelotter dehors pour barrer … Froid et fatigue ne font pas bon ménage. les enfants nous hallucinent, les deux aînés prenant leur responsabilité très au sérieux , Golden Girl a dû de son côté remplir et vider une cinquantaine de seaux. Les deux derniers se sont d’ailleurs couchés à 16:00, nous ne les avons pas revus avant 8h du matin… épatant .

Enfin, nous arrivons sur Ua Pou, Captain Faka nous attend, il est 3:30 du matin, efficacement il nous aide à ancrer. Les minutes qui suivent sont passées maintenant à sortir la moto pompe… nous ne pensons qu’à une chose … dormir!

À huit heures, nous devons nous lever et constater les dégâts… déprimant…

Piero nous a mis en contact avec Serge , ce dernier est le Mac Giver de Ua Pou, il nous aide à faire le point et commence à préparer un hublot de fortune .

Nous sommes de notre côté groggy mais heureux de revenir sains et saufs . Merci à tous , la solidarité entre marins n’est pas un vain mot, elle est juste bouleversante .

À suivre maintenant …nous n’avons pas encore dit au revoir aux Marquises !

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45 réflexions sur “« Allo à l’eau…. » récit d’un cauchemar qui n’arrive pas qu’aux autres

  1. Yves Lajouanie

    Récit très impressionant…. très heureux et soulagé que vous soyez tous sains et saufs. On vous souhaite bon courage pour les jours à venir et retrouver la sérénités…
    Amicalement
    Yves Lajouanie

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  2. jean-marie et marie-béatrice vatelot

    Nous avons été très émus en lisant votre aventure….quelle aventure c’est le cas et le moment de le dire ! tout se termine bien heureusement et les enfants ont fait preuve ( sans parler de vous !) d’un courage et d’un sang froid qui forcent l’admiration. Bravo si j’ose dire ! j’en ai encore des frissons ! nous pensons bien à vous et à toute cette solidarité dont chacun a fait preuve. Nous vous embrassons bien affectueusement Marie-Bé et Jean-Marie

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  3. Gard

    Oh les copains, j en ai encore des frissons…! Reposez vous bien, j espere que vous allez pouvoir vite reprendre la mer! Les enfants ne sont pas trop choqués? A côté de vous nos 20 cm d eau dans notre sous sol lors des dernieres pluies cest peanuts! Plein de bises a partager! Aude

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  4. P&Bp

    Quel cauchemar 😧
    Bravo +++++ au Captain , à la vice Captain et à l’équipage pour leur réactivité , leur sang froid et courage et mille mercis aux sauveteurs evidemment .
    Remettez vous le mieux possible ,
    Sommes de tout cœur avec vous tous

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  5. chris c

    hello à tous,

    quelle frayeur pour nous et surtout pourquoi vous. Nous avons eu qqs nouvelles par ma Dalton et ensuite vu l’article dans le journal polynésien, merci beaucoup pour ces nouvelles fraiches, car on était dans l’incertitude…retaper vous à la fois physiquement et psychologiquement pour profiter à nouveau de ces moments fabuleux.
    On vous embrasse et pensons fort à vous.

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  6. Katell & Mathieu

    Quelle histoire avec encore une belle preuve de solidarité des gens de mer! Bon courage à vous pour la suite!
    Vous allez pouvoir ainsi profiter plus longtemps des belles Marquises et de Ua Pou la sauvage!!

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  7. Aude et Jef

    Un immense bravo pour le courage et les bonnes actions, pour les sauveteurs et aussi pour le récit de cette méchante aventure.
    Reprenez vite pied, nettoyez tout, le bateau et les têtes, et repartez!
    Bon vent, belle mer et beaux abris à venir.

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  8. Moreau

    Quelle épreuve!!!! Et quel cauchemar. Dieu merci vos anges gardiens étaient eux aussi aux taquets pour vous protéger. On comprend encore mieux le rôle de la snsm après ce récit d’un sauvetage qui aurait pu aboutir à une catastrophe. Bravo à tous petits et grands pour votre cran et aux sauveteurs.
    Reposez-vous, regonflez bien vos batteries et courage pour réparer. Joëlle et François Moreau,
    de votre fan-club & amis brestois de Pakou et Bon-Papa

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  9. MEUNIER Jean-François

    Bonjour les 6Gone
    Mais quelle aventure, qui se termine bien heureusement.
    Très belle réaction de tout l’équipage qui s’est montré à la hauteur.
    Bon courage pour la suite du voyage
    Jean-François de Lotus

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  10. Maud et PM

    Brrr ! Pm m’avait raconté mais là je lis votre aventure avec les détails et je prends conscience que votre magnifique voyage n’est pas qu’une partie de plaisir! Les cocotiers et la mer turquoise ont leur contrepartie… J’espère que le nouveau hublot à venir va vite vous faire oublier ce cauchemar. On vous embrasse fort profitez bien de la visite des Cousins !

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    1. Coucou Maud ,
      Effectivement l’aventure n’a pas que de bons côtés… cela nous a permis de réaliser que les enfants étaient très cools et efficaces dans les moments plus nerveux pour nous !
      Les nouvelles vont vite, on attend les cousins avec impatience, en espérant que le bateau aura retrouvé tous ses petits (hublots!)
      Très bonnes vacances les amis, on vous attend!
      Bises

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  11. Patricia

    Ouff!! Jai encore Les frissons …c’est fou comment Les enfants réagissent vite et bien dans des situations comme ça , ils nous surprennent toujours .

    Je m’imagine dans la même situation avec 4 enfants …ouffff!!! On veut tellement leurs bonheur et leurs sécurité .

    Bravo mais il y a sûrement un mot plus que Ca pour décrire L’AVENTURE que vous avez vécu . Et dire que Les gens crois qu’on se la coule douce à boire du piña colada Sur les plages . Mais malheureusement ce n’est pas toujours rose.

    Faites attention à vous et bonne continuité sans avaries .
    La gang de Xalya

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    1. Coucou Patricia, merci de ton message . Effectivement nous nous sommes faits une belle frayeur, heureusement c’est derrière nous maintenant.
      Et vous, le retour à la douce maison se fait comment?
      On vous embrasse

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  12. Quelle histoire ! On a appris vos péripéties par les gens d’ici à Nuku Hiva. On est aussi une famille en voilier, sur notre Tivano. Si jamais vous avez possibilité de bouger une petite distance avec le catamaran, sachez que Taiohae est super à vivre avec des enfants. Il y a une maison de l’énfance ouverte tous les jours avec plusieurs salles de jeux divers et variés, nos enfants adorent ! On se croisera peut être, on reste ici pour un an. Bon courage pour les réparations !! Charlotte

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    1. Bonjour Charlotte
      Merci pour citée message, nous sommes arrivés sur Papeete mardi pour la sortie de l’eau du bateau .
      On repassera sûrement à Taiohae, on serait ravis de faire votre connaissance à cette occasion.
      À bientôt

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